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Je suis professeur dans une université française dans une matière technique. Cela a pour conséquence qu’une très grande majorité de mes étudiants sont étrangers car ils voient les besoins et ce que leurs études peuvent apporter dans leur pays.
Je pense être plutôt proche de mes étudiants et comprendre assez bien leurs soucis, difficultés mais aussi ce qu’il faut faire pour les motiver à travailler et réussir.
Les années normales (sans confinement), je leur mets régulièrement la pression pour qu’ils travaillent, pour qu’ils se donnent à fond afin d’atteindre leur objectif, pour qu’ils réussissent leur vie, qu’ils fassent la fierté de leur famille, votre fierté.
L’arrivée de vos enfants en France est souvent difficile pendant au moins un semestre. Ils vous ont quitté, ce déchirement affectif est souvent difficile ; ils se retrouvent seuls dans une chambre parfois exiguë ; ils ne connaissent personne et doivent avoir quelques semaines de cours avant de lier de réelles amitiés ; ils doivent s’adapter au système français qui est souvent différent du système de leur pays d’origine. Certains ont des soucis financiers et se débrouillent pour trouver des petits boulots en plus de leurs études. Cela leur donne un rythme soutenu.
Ils ont toute mon admiration pour le courage qu’ils montrent au quotidien pour surmonter toutes ces épreuves qu’ils rencontrent. Ils sont en train de devenir de jeunes adultes.
Mon travail consiste à leur enseigner, leur donner le gout de ma matière, leur donner envie d’apprendre et bien entendu les stimuler dans les moments de relâchement qu’ils peuvent rencontrer.
Cette année, les confinements successifs ont amplifié les détresses de vos enfants. Ceux qui sont arrivés à l’université cette année, n’ont pas eu le temps de créer des liens sociaux suffisants qu’ils se sont retrouvés enfermés dans leur chambre à suivre des cours à distance en ne sortant que très peu et voyant peu de monde (dans nos matières ils ont quand même les travaux pratiques en présentiel, je n’ose imaginer la situation de ceux qui ne viennent jamais à l’université). Un nombre de plus en plus important de vos enfants sombrent dans la dépression, ils se mettent une pression énorme car ils ont tout laissé derrière eux pour venir en France, pour réussir, pour vous rendre fier et être à la hauteur des sacrifices que vous faîtes pour eux.
Habituellement, j’utilise ces choses pour les motiver à travailler. Cette année au contraire, je leur dis de relativiser, de prendre du recul, que oui tout cela est important mais que l’objectif final est réellement important, que parfois il faut un peu plus de temps pour y arriver et que ce n’est pas si grave. Que leur santé physique et morale ainsi que celle de leur famille est bien plus importante. Bien souvent, ils ne veulent pas vous dire qu’ils ne vont pas bien…. Par pudeur, pour ne pas vous inquiéter, vous protéger comme vous le faites vous-même dans le sens inverse.
La situation est vraiment difficile pour nombre de vos enfants. Ici, près d’eux, je m’efforce du mieux que je peux de garder un oeil attentif sur eux, d’être à l’écoute, de les soutenir comme je peux quand ils me le demandent. Ils ont aussi besoin de votre soutien moral et de votre compréhension. Ils sont vraiment exceptionnels et courageux. La plupart travailleront du mieux possible… Et que les résultats des examens soient positifs ou négatifs, vous pourrez être fier de vos enfants qui traversent cette période difficile du mieux qu’ils peuvent à un âge ou l’incertitude de l’avenir est déjà une angoisse très importante.
Je suis aussi un papa qui a des enfants étudiants…. Je suis fier de mes enfants comme vous pouvez être fiers des vôtres.
Avec toute mon affection
Thierry Communal, enseignant d’une université française.